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main les grosses farces de la pièce nouvelle et la façon crapuleuse dont Collinet y devait figurer ; l’un d’entre eux avisa que rien ne serait plus plaisant que d’y amener Clémence et de lui montrer son amoureux barbouillé de farine et de suie : tout le monde en tomba d’accord. M. Sorel n’aimait pas le théâtre ; mais on lui parlerait, on le déciderait pour la pièce nouvelle, on lui offrirait une loge s’il le fallait. La partie fut engagée en quatre paroles et remise à tantôt.

Collinet entrait à l’instant même en fredonnant. On se tut. Il regarda çà et là, et l’air composé des visages rabattit d’abord sa gaîté. Il tiraille celui-ci, agace celui-là, on répond à peine ; il questionne, la partie s’engage, et peu à peu tout le monde s’en môle. Collinet pérorait au milieu, selon sa coutume, et se croyait en fonds pour répondre aux haros ; mais quelqu’un interrompit tout à coup : « Bon, tu fais des phrases, toi ; parbleu, tu es poète, tu es un grand homme, un philosophe, on le sait. Je ne suis pas poète, moi. »

Collinet pâlit. Ce mot n’était point dit au hasard, non plus que l’accent qu’on y mettait ; presque aussitôt des propos analogues s’échappent de toutes parts. « Bah ! il est poète ! — Mais oui. — Certes ! — Oh ! — Un prêcheur. — Il raffine sur le beau langage. — Diable ! » Et toutes les dérisions et les parodies en usage en pareille compagnie contre les prétentions des lettrés. On riait, on raillait, on faisait allusion aux passages principaux de la lettre, en les exagérant, en les tournant dans un sens forcé et bouffon.

Collinet se vit trahi dans ses secrets les plus chers. Il se