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barras ridicules, et devait paraître dans les plus grotesques métamorphoses. Collinet répéta son rôle tout couramment et d’un goût inaccoutumé ; les comédiens eux-mêmes et les ouvriers du théâtre pâmaient de rire. Le directeur avait peine à le contenir. Il bondissait sur les planches, et chargeait son personnage de lazzis étourdissants. On le crut ivre, et l’on souhaitait tout bas qu’il gardât cette verve jusqu’au soir.

La répétition finie, il ne fit qu’un saut du théâtre à la Couronne. Pelletier y était avec Léfébure et les autres. Leur machination avait pleinement réussi. La vieille qu’ils avaient envoyée était en effet la servante de M. Sorel, que les familiarités de province permettaient de détourner pour une commission. On l’avait mise au fait d’un expédient prétendu ; on lui avait enjoint de ne répondre à aucune question. Collinet, d’ailleurs, n’avait pas dit un mot, et sa lettre leur était venue tout droit dans les mains.

On juge des gorges chaudes à la lecture publique de ces phrases qu’ils ne comprenaient pas et qui leur semblaient d’un ridicule jusqu’alors inouï. Collinet poète, Collinet fier et beau parleur, Collinet passionnément amoureux ! C’était pour eux la limite extrême du burlesque. L’énergie véritable même de cette lettre, et ce qu’il pouvait y avoir de bien dit, tournait contre le pauvre garçon ; ils n’y voyaient qu’une enflure de maître d’école et de baladin ; la manière dont ils y figuraient étouffa d’ailleurs leurs bonnes intentions ; on ne songea plus qu’à s’en amuser à outrance. Les dernières phrases fournissaient tout naturellement matière à revanche : ils connaissaient de longue