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plus. Les progrès passés me soutiennent dans la lutte. J’en sortirai enfin, et Collinet fera place à un autre homme. Ce qu’il deviendra, je n’ose vous le dire. Ces choses-là veulent être vues. Vous les verrez. Vous ne comprendrez rien à ce que je dis là ; ayez pitié des rêves d’un jeune homme que son amour pour vous remplit d’orgueil. Vous ne vous doutez pas, vous, adorable enfant qui n’avez jamais quitté votre père et votre vieille maison, vous qui ne connaissez du monde que l’église où vous allez prier Dieu ; vous ne savez pas dans quelle arène empestée se débat un noble esprit aux prises avec la misère ; vous ne savez pas la boue des chemins qui mènent à la renommée, et comme on y enfonce en se voulant hâter. Vous ne connaissez pas Paris et cet impur limon des grandes villes où doit germer tout ce qui s’élève ; croyez-moi donc, je ne puis vous tromper. Je quitte ce pays…

» Mon Dieu ! je voudrais faire passer en vous un rayon de l’espoir qui m’enflamme ; je voudrais m’arracher le cœur et le jeter à vos pieds pour vous prouver combien j’étais plus digne de vous que ces jeunes gens qui m’outrageaient, les lâches, et que je méprise et que je vaux cent fois. J’espère que vous comprendrez cet orgueil. Je suis comédien, c’est vrai ; je vis dans un monde infâme ; mais j’y vis pur et honnête comme je suis né ; j’en sortirai comme j’y suis entré ; cette corruption est trop basse pour m’atteindre. Je ne vois point les hommes qui s’appellent mes camarades ; je n’ai de rapport avec le théâtre qu’en ce qui touche l’étude ; j’emploie mon temps à lire, et c’est ainsi que j’ai pu supporter cet état. Je ne suis pas un comédien, je suis un pauvre et studieux