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la tournait si bien à son avantage qu’on n’y pouvait rien voir. Jamais il n’eut tant de verve et d’esprit, le pauvre jeune homme, pendant qu’il déchirait sous sa veste la dentelle de Pelletier. Clémence s’étonnait à la fin et s’indignait de ce que ces messieurs s’acharnaient ainsi sur un jeune homme si doux, si poli et si fort au-dessus d’eux. Cet intérêt se trahit. Elle riait avec Collinet pour l’appuyer, et prenait visiblement son parti.

L’aigreur s’en mêla, surtout chez Léfébure, qui prétendait à l’esprit railleur et qui se sentit piqué devant une femme. Il n’y a point de limites pour ces sortes de gens et de vanités. Il lâcha de ces paroles qui ne laissent plus de réponse. Collinet chancela ; Clémence demeurait confondue. Quelques personnes se retournèrent au bruit des voix. Léfébure et Pelletier ne voulurent point avoir l’air fâché ; ils se mirent à rire sans plus de mesure. On demanda ce que c’était. Lefébure donna le branle, et les phrases que voici tombèrent coup sur coup : « Je disais que mon gilet va bien à monsieur. — Vous plaisantez, mon habit lui sied mieux. — Collinet, je vous recommande mes bottes. — Collinet, prenez garde aux bougies, mon feutre vient de Paris ! »

À ce nom de Collinet, certaines gens se regardèrent ; le comédien, les lèvres tremblantes, balbutia quelques mots à l’oreille de ces messieurs. Ils se sentirent presque honteux, et ne riaient plus que gauchement. L’étonnement était au comble. M. Sorel s’approcha enfin et emmena doucement Lefébure dans un coin du salon. « Qu’est-ce enfin, dit-il, que ce jeune homme, et que lui voulez-vous ? — Ce n’est rien, répondit Léfébure à demi confus ; c’est