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amis qui ne firent qu’en rire, et on le tourna inévitablement en plaisanterie, Ils se dirent qu’après tout ce serait un bon tour, et que Collinet, ainsi déguisé, égaierait la soirée de quelque façon ; chacun applaudit.

Le soir venu, Collinet se rend chez Pelletier. Il y trouve les autres. C’étaient le fils du maire, un surnuméraire à l’octroi, et Léfébure, le neveu d’un gros marchand de toiles : l’un apportait un habit, l’autre une veste, l’autre une culotte de bon drap noir. Pelletier fournissait le linge et le menu de la toilette. Collinet se nettoie, s’accommode, et le voilà peu à peu qui prend très-bon air. Quand il fut prêt, qu’il eut son chapeau et ses gants, ce fut la tournure d’un fils de prince. Ces messieurs lui firent compliment, mais du bout des lèvres. Ils se rejetèrent sur les habits qui leur appartenaient ; l’un voulait que ce fût son jabot, l’autre son frac qui le parât ainsi. Ils admiraient en eux-mêmes comment ces vêtements qui leur allaient si mal lui allaient si bien, et comment Collinet, ce pauvre hère, avait tout à coup meilleure mine qu’eux. Ceci les piqua un peu et commença de leur aiguiser l’esprit pour quelque revanche.

On fit le chemin en ricanant par-ci par-là du petit-maître de fraîche date. Collinet, qui les devinait en tremblant, se mit à leur merci, et plaisantait tout le premier de sa métamorphose. On arriva. Le cœur lui battait à perdre haleine. Une servante vient ouvrir. On traverse le corridor en étouffant quelques rires. Collinet gourmande et supplie. Il prévoyait quelque catastrophe. On entre dans un grand salon au niveau du jardin. Des vieillards jouaient au tric-trac. Clémence était à son piano. M. Sorel se lève.