Page:Ourliac - Nouvelles.djvu/189

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

t’a trompé. Personne n’en veut à Clémence. Tu peux l’aimer à ton aise. — Et dans une heure tout la ville saura ce qui vient de se passer ! — Non, je n’ai qu’un mot à dire : l’on t’aidera plutôt. — Vous surtout, vous pouvez me servir. Vous voyez Clémence de près, et vous êtes le seul, je crois. Je vous en prie, qu’il n’arrive pas un mot de ceci jusqu’à elle, je vous en supplie, Pelletier, entendez-vous ? — Tu plaisantes, je ne dirai rien !

Pelletier parvint à réprimer cet air narquois qui redoublait les angoisses de Collinet. « Une idée, reprit-il, veux-tu que je te mène chez M. Sorel ? Tu vois que je suis dans tes intérêts. — Vous voulez rire ? — Il y a ce soir une petite réunion ; ce sont de bonnes vieilles gens, des parentes dévotes. On ne te connaît pas, je te présente comme un étranger de mes amis. »

Collinet s’en défendit ; il se méfiait, discutait ; pourtant l’entreprise le tenta au point qu’elle ne lui parut pas impossible. C’était une sorte de petit bal. Il y aurait quelque monde, on le remarquerait à peine. Il manquait d’habits ; Pelletier s’offrit de lui en prêter. Lui et ses meilleurs amis, les plus raisonnables, pouvaient fournir un habillement complet. Il fut entendu que cela demeurerait dans le secret, et qu’on instruirait seulement ceux des jeunes gens qui pouvaient venir à cette soirée. Quand Collinet vit que la chose prenait tournure, et qu’on en parlait assurément, quand il y crut lui-même, ses pleurs se séchèrent, il sourit, et passa de la colère à la joie la plus folle. Il fit le tour de la ville toujours courant et sautant.

Pelletier, d’abord, avait parlé sérieusement ; mais il ne put s’empêcher de toucher quelques mots du projet à ses