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Collinet se vit pris et tremblait sur ses jambes. Il se sentit rougir et se troublait encore davantage. Il pleuvait sur Clémence et sur lui une foule de quolibets emportant la pièce. Chaque mot lui allait à l’âme ; il essaya de rentrer dans le ton et reprit : « Eh ! bien, après tout, quand je serais amoureux de mademoiselle Clémence, elle a le teint assez noir pour moi ; Arlequin ne dépare pas Colombine. »

Il-espérait s’échapper à toute extrémité par cette lâcheté ; elle ne lui réussit point. « Il la trouve laide ! — le drôle ! le butor ! — je le trouve plaisant. — Clémence laide ! — comme elle voudrait de toi. — Toi si blême, toi misérable ! toi cabotin ! »

Et l’on nomma les uns après les autres ceux qui se vantaient de prétendre aux bonnes grâces de la demoiselle : des avocats, des fonctionnaires et des officiers de la garnison.

Ainsi fut criblé coup sur coup, à tous les endroits les plus sensibles, le cœur de ce pauvre Collinet ; les éclats redoublèrent, on l’entoura, on le prit au collet, aux revers, sous les bras, et on le traîna, bon gré malgré, jusque devant la dame du comptoir, qui souriait à ce vacarme. — De grâce, madame, voyez cette taille, cette physionomie, ce jabot flétri, ces cheveux mêlés ; croyez-vous qu’il y ait là de quoi tourner l’esprit d’une jolie fille ? Collinet, les yeux gonflés, la rage au cœur, se débattant, riant, pâlissant, répétait d’un ton doux : « Laissez donc ! » mais ils fourrageaient ses hardes, ils lui caressaient le menton, ils lui pinçaient le nez, ils le tiraient par la veste, et la veste se déchirait, et le malheureux criait, et