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Le tumulte apaisé, on lui offrit à boire ; il but et retrouva un moment sa verve. On le railla, il répondit sur le même ton ; il fut charmant. Il faisait face à tous ; chacun eut son mot, et les rieurs étaient pour lui. On lui demanda pourquoi il n’était pas venu, ce qu’il avait fait ; il répondit joliment par cent calembredaines, mais à la fin on le poussa là-dessus. Les drôles s’entendaient comme larrons en foire. « Nous dira-t-il pourquoi il ne songeait plus à nous, — pourquoi il ne riait plus, — il le dira, — il ne le dira pas, — parbleu, il travaillait, il avait des dettes.

— Eh ! non, reprenait-on, il ne doit pas le dire, — il faut de la discrétion, — tu as raison, Collinet, — chacun ses affaires. — On est amoureux, c’est bien, — qui doit s’en mêler ? — cela n’est pas défendu. — On n’a rien à y voir. »

Collinet rougit et son visage se décomposa en un sourire pitoyable.

« Bah ! continuait-on, est-ce qu’il est amoureux ? — Pourquoi pas ? — il n’oserait ; — parce qu’il est laid ? — parce qu’il a des trous aux bas ? — Qu’importe ? — Vous vous moquez ? — De qui donc amoureux ? — Clémence Sorel ! — oui-dà ? — Vraiment ! — peste ! — Pourquoi se gêner ? — Qui ? moi ! dit Collinet. — Tu peux l’avouer, — on ne t’en veut pas ; — Il l’avouera ! — Je gage que non. — J’avouerai si l’on veut, reprit-il, que je suis fort épris de mon hôtesse qui a soixante ans. Je la connais du moins et je ne connais pas votre demoiselle Clémence. — Holà, mon ami, cria Pelletier, à d’autres ; tu l’as trop lorgnée à la joute, et tu m’as fait passablement jaser sur son compte ! »