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devenu triste. — Il étudie. — Il a usé ses derniers souliers. »

Un fumeur se leva : « Il est amoureux. »

On partit d’un éclat de rire. « De qui ? amoureux ? Collinet ? — Il est tous les soirs au bastion, — sous la grille des Sorel. — Madame Baudry le sait. — La servante de ma tante l’y a vu, — du côté de la rue, — sous les fenêtres de Clémence, — jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de lumières. »

Il se trouva au même instant vingt commérages qui coïncidaient. On l’avait vu parler à la domestique. Il s’était informé à des voisins. « Il est amoureux de Clémence ! — cela est prouvé. »

« — Parbleu, dit Pelletier, vous m’y faites songer. Il m’a tant parlé d’elle. Je ne m’étonne plus. Il ne m’accostait que pour cela. Il est amoureux de Clémence, — le maraud ! le faquin ! — On ne le voyait plus, — il se promenait sur les remparts, — il se moquait de nous, — il n’a qu’à venir. »

À quelques jours de là, Collinet vint pour son malheur. On semblait s’être donné le mot. Un haro s’élève, on l’entoure, et chacun lui donne son coup. « Voilà Collinet, voici Collinet, Collinet, holà ! » On le tire de ci, on le tire de là, on le houspille de toutes façons ; enfin, cinq ou six des plus turbulents le chargèrent sur leurs épaules, et le portèrent en triomphe autour de la salle, jusqu’à ce qu’il roulât par terre avec eux pêle-mêle. Collinet tenait tête à l’orage, l’amour le soutenait, son secret remplissait son cœur, il n’avait qu’à sourire du moment qu’on n’y touchait pas.