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Pelletier ne répondait pas, et appelait au loin ses camarades ; il entraînait Collinet, Collinet résistait ; il le prit à bras-le-corps, amassant les passants en pleine rue, et l’emporta toujours criant. Collinet s’efforçait de rire à gorge déployée, par égard pour ceux qui regardaient, flattant, cédant, souffrant, dans l’espoir d’un mot, d’un nom, d’un renseignement ; Pelletier n’en faisait que pis. Cette scène dura dix minutes mortelles. Enfin, Collinet apaisa comme il put son bourreau, puis le ramenant finement par une distraction : « Je ne connaissais pas cette figure. — Laquelle ? — La plus jolie. — Clémence ? — Qui était à côté de vous ? — C’est cela. — Le nom de famille m’échappe. — Les Sorel. — Ce vieillard est son père ? — Eh ! oui. — Il est notaire ? — Eh ! non. »

En moins de rien, Collinet sut tout. M. Sorel avait un emploi ; c’étaient de bonnes gens tranquilles et retirés, qui n’avaient qu’une fille qu’on adorait et qu’on élevait du mieux qu’on pouvait. Clémence était douce, aimable, un peu fière, sans beaucoup de bien, et par conséquent peu recherchée. Collinet s’informa à travers les rires s’ils allaient au théâtre : on lui dit que non. C’était de ces vieilles maisons autrefois dévotes, où l’on n’y songeait pas. Il respira. Pelletier se remit de plus belle à l’entraîner ; il le voulait montrer à toute force à la Couronne, et n’y épargna point les bourrades. Collinet tint ferme ; il promit seulement qu’il y retournerait bientôt. En effet, il se mourait d’envie d’en savoir plus long.

Pelletier arriva au café, et son premier mot fut qu’il avait rencontré Collinet. Il n’y eut qu’un cri. « Où est-il ? que devient-il ? il y a trois mois qu’on ne l’a vu. — Il est