Page:Ourliac - Nouvelles.djvu/182

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

rables sur un bateau couvert de tentes. Il s’approche autant que possible, il examine ces rangs de femmes en parures, il découvre enfin celle qu’il cherche : il veut savoir qui l’accompagne ; c’était un vieillard, d’autres femmes, puis enfin dans le groupe un jeune homme, parlant haut, criant fort, qu’il reconnut. C’était Pelletier, l’un des habitués qu’il voyait à la Couronne. Ce fut un coup du ciel. Pelletier pouvait tout lui dire. Il se cacha mieux dans la foule et observa. Ainsi, ce Pelletier, l’un des plus maussades compagnons de la Couronne, un suppôt d’estaminet, avait la faveur d’approcher cette charmante fille, tandis que lui, Collinet, sachant ce qu’il valait, pataugeait à l’écart avec le menu peuple. Il se mourait dans son coin de honte et de jalousie. Il disparut avant la fin des jeux et s’alla poster sur le chemin.

Il ne se trompait pas : la joute finie, la foule écoulée, les jeunes gens revinrent en causant de la fête. Collinet les voulait éviter ; il guetta Pelletier qui s’en retournait seul et lui prit le bras. » Ah ! Collinet ! bonjour, Collinet ! où vas-tu ? que fais-tu ? d’où sors-tu ? » Pelletier se mit à tourner autour de lui avec force gambades. Il le saluait jusqu’à terre, le tirait par les basques et lui prenait la tête comme pour l’embrasser d’une façon théâtrale. Collinet souffrait ces pétulances de la meilleure grâce, impatient, plein, de son idée, et glissant un mot sur la fête. Mais l’autre rompait le propos, reprenait ses gambades, embrassait encore Collinet, le montrait du doigt, et criait à tue-tête, jusqu’à ce qu’il feignît de rire avec lui. « Vous étiez, il m’a semblé, en bonne compagnie… — Excellente. Les plus jolies filles de la ville. — Vous les connaissez ? »