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élevés qui s’autorisent de ce qu’on rit une fois avec eux pour vous tracasser et vous pincer aux jambes continuellement. On s’annonçait au comédien par un bon horion sur l’épaule, on effondrait son chapeau sous prétexte qu’il était vieux, on lui arrachait les boutons de l’habit en feignant de s’échauffer à causer, on coupait ses poches avec des ciseaux sans s’inquiéter des dommages réels qu’on lui causait, lui déjà si râpé et si pauvrement vêtu ! On jetait du poivre dans son café, on cachait quelque objet dont il avait besoin ; enfin les mille farces cruelles et de mauvais goût qui peuvent germer en des cerveaux d’estaminet. Bien plus, s’il arrivait quelque accident à Collinet, s’il payait l’amende à son directeur, s’il se blessait dans ses espiègleries, ils en riaient, les misérables, ils battaient des mains, et c’était là ce qui les divertissait le mieux. S’il arrivait avec un habit percé ou quelque harde défectueuse, on le plaisantait d’abord là-dessus ; il essayait de détourner la conversation, on l’y ramenait, puis enfin on le tirait par la basque, on faisait bruit de la chose, on étalait sa honte au grand jour, et il y avait là une femme, une femme au comptoir !

Au train qu’avaient pris les choses, Collinet ne pouvait plus se fâcher. Il aurait eu la plus mauvaise grâce du monde et cela n’eût sans doute remédié à rien ; il s’efforçait donc de rire pour désarmer ses persécuteurs, mais l’on pense tout ce qu’il dut souffrir.

Il se rencontra enfin de ces jeunes gens prétendus sensés, qui se croient le droit d’être plus grossiers que d’autres, sous-prétexte qu’ils sont plus fins. Ceux-là voyaient Collinet d’un mauvais œil sans trop s’expliquer pourquoi.