Page:Ourliac - Nouvelles.djvu/153

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Tu as raison, dit Thibault attentif ; mais j’en veux être sûr… et, dans tous les cas, je verrai son Excellence le premier ministre.

— Attends du moins quelques jours, répliqua mon père en achevant de s’habiller, comptant qu’il s’agissait seulement de laisser reposer ce premier feu du provincial.

Thibault déjeuna avec nous et sortit. L’agitation allait croissant dans Paris, les bruits les plus alarmants se succédaient dans notre quartier ; la foule se portait au Palais-Royal. Le soir, on annonça que la fusillade était engagée et que la cavalerie sabrait la multitude. Mon père, n’y tenant plus, résolut d’aller aux nouvelles ; nous longeâmes prudemment les boulevards, sans nous approcher du foyer de l’insurrection, qui n’était rien encore ; cependant l’aspect de la ville nous émut profondément, et nous ne recueillîmes que des bruits sinistres. À notre retour au logis on nous dit que ce monsieur était venu.

— Ce monsieur ?

— Qui a un si grand chapeau, dit le portier contrit.

C’était Thibault. Mon père fut fâché de ne point l’avoir vu, pour le prémunir contre les embarras du moment.

Le lendemain, de grand matin, des hommes vinrent dépaver la rue sous nos fenêtres et construire une barricade, en disant qu’on en usait ainsi dans tous les quartiers de Paris. Bientôt nous entendîmes les tambours de la garde royale qui battaient la charge à la tête de leurs bataillons. Mon père courut rendre sa visite à Thibault, il était déjà sorti ; cela était inquiétant par la tournure que prenaient les choses. On ne s’attend pas que je raconte l’histoire de cette journée ; la fusillade éclatait partout, le canon ron-