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française. La conversation roula longtemps sur ce bonhomme, moitié rire, moitié sérieux.

Le lendemain, mes occupations me retenant dehors, je ne rentrai que le soir ; mais le soir, la chose publique avait gagné bien du terrain sur toutes préoccupations particulières. Nous étions, si l’on s’en souvient, au 26 juillet 1830. Paris commençait à s’agiter ; des rassemblements menaçants s’étaient formées sur divers points ; on lisait les ordonnances affichées sur les murs ; des orateurs les commentaient en cherchant à échauffer les têtes. Ils avaient quelque peine à faire entendre aux braves gens qui se firent tuer ensuite, qu’ils devaient se mettre en colère ; et l’on voyait assez à leur indignation contre ce coup d’État, qu’ils se mouraient d’envie d’en faire autant un peu plus tard. J’eus quelque peine à traverser la place du Palais-Royal, et même avant que j’eusse passé, la gendarmerie, provoquée à coups de pierre, avait chargé la foule, et l’on disait que plusieurs hommes étaient morts.

J’arrivai chez moi dans un grand trouble, je racontai ce que j’avais vu ; on m’apprit des nouvelles que j’ignorais, et, comme on pense, la conversation ne languit pas durant cette soirée. Les gens de la maison allaient et venaient les uns chez les autres. Sur le soir, quand ce mouvement se fut un peu apaisé, je vis mon père préparer sur un morceau de peau une certaine drogue noire.

— C’est, me dit-il, ce bon Thibault qui veut absolument guérir un cor dont j’ai longtemps souffert au pied gauche.

— Et à de propos, que vient-il faire à Paris ?

— Il vient proposer au gouvernement un secret important découvert après quarante années de travail,