Page:Ourliac - Nouvelles.djvu/139

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

chaud qui supportait la chaudière consacrée à cet usage et à bien d’autres ; on y voyait souvent, par exemple, délayer la colle, dont Thibault collait toutes sortes de boîtes et de jolis ouvrages en carton, une paire de galoches reposait sur un établi de menuisier, à côté d’une cage d’osier à moitié tressée ; des moules à chandelles figuraient sur des rayons parmi des fioles d’élixirs ; des pots de pommade pour les yeux se confondaient avec des suifs, des cirages, des encaustiques ; je n’aurais pas voulu répondre pour ma part des quiproquos qui pouvaient s’ensuivre. Figurez-vous enfin Robinson Crusoë, non plus dans son île, mais dans une chambre de douze pieds de long, au milieu d’une de nos provinces françaises.

Au-dessus de cette chambre était le grenier dont j’ai parlé, et qui s’était transformé pour un temps en basse-cour. Je n’entrerai pas dans un plus long état des lieux, ce que j’ai décrit suffit ; c’était d’ailleurs à peu près tout. Il faut seulement ajouter, et l’on me passera la similitude, qu’il ne fut jamais un bas ravaudé, reprisé, remmaillé, rapetassé, fourni vingt fois de talons et de pointes, qu’on pût comparer pour le nombre et la délicatesse de ses raccommodages à l’état de cette maison du haut en bas. Son origine se perdait dans la nuit du temps ; il n’était donc pas surprenant qu’elle eût parfois besoin de réparations. Or, Thibault n’avait jamais appelé des ouvriers, et il est vrai que nul peut-être n’était en état de le remplacer en pareil cas. Les escaliers de bois vermoulus étaient soutenus par des étais, et marchaient, pour ainsi dire, avec des béquilles ; les jours de chaque degré étaient soigneusement radoubés à mesure qu’ils se montraient, à force de