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jeunes gens, cette pièce qui s’appelait Robert, chef de brigands. Ces impressions diverses avaient fortement agi sur l’organisation sensible de Thibault ; cette exaltation vague, cet amour romanesque de la vertu et toutes ces chimères poétiques, il en poussait l’application à la vie réelle. Nous avons vu quelque chose de pareil chez nos jeune France romantiques. Il y a, dans tous les temps, quelque folie de ce genre au service de la jeunesse. Thibault jouait le rôle du héros dans la pièce de Lamartellière, et il était demeuré si frappé de ce rôle qu’il n’en quittait plus le costume, qui était un espèce d’uniforme de houzard. Pour vous aider à comprendre cette singularité, il faut vous dire que le règne de la carmagnole, les levées en masse, l’attitude farouche de la France au dehors et au dedans, autorisaient des modes dont vous n’avez plus d’idée. Nous autres jeunes gens de la ville, nous ne marchions plus que le sabre au côté et deux pistolets à la ceinture ; c’était un peu la folie de Thibault qui régnait dans tous les esprits. Avec des têtes chaudes et la poignée d’un sabre sous la main, vous croirez bien qu’on dégainait souvent ; les duels étaient donc en vigueur. Je me battis un jour avec ce pauvre Thibault, et je le blessai ; mais un coup de sabre ne faisait alors qu’entretenir l’amitié. S’il m’en souvient, pourtant, nous étions brouillés, Thibault et moi, quand lui arriva cet événement qui me l’attacha pour la vie. Je ne vous donne ces détails que pour vous désabuser sur son compte, et vous faire connaître tout ce qu’il y avait de courage et d’élévation dans le caractère de ce pauvre homme. Dans un temps où toute la jeunesse allait aux armées, Thibault s’était soustrait aux réquisitions ; des or-