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voir. Que pouvait-il me dire ? Que c’était là, sans doute, la juste expiation de la vie que j’avais menée, que Dieu me châtiait pour me rendre meilleur, qu’il fallait souffrir avec patience et humilité. Mais du moins il me plaignait, et pleura du fond du cœur, avec moi, sur ces douleurs dont le monde ne pouvait que rire. J’éprouvai là qu’il n’appartient qu’à la charité chrétienne de consoler véritablement les malheureux. Ce bon prêtre me soutint quelque temps de ses conseils, je l’écoutai, je lui dus de prendre quelques bonnes résolutions et de faire quelques efforts. J’essayai de m’enfermer dans ma résignation ; mais combien il me manquait encore de force et de vertu ! Avec quelle rage, accrue par la contrainte, je brisais parfois ces liens mal attachés ! Un de mes amis, marié, mais plus heureux que moi, et connaissant une partie de mes chagrins, nous invita à passer quelques mois de la belle saison dans sa terre. Je le connaissais depuis l’enfance. Il s’appelait Marcellin ; il m’avait vu changer d’humeur, devenir sombre, taciturne ; souvent il m’avait surpris, me promenant seul autour de ma maison, dans un état d’accablement qui l’avait effrayé. Il comptait me distraire par ce petit voyage, par les plaisirs de la campagne et de la chasse surtout, que j’aimais passionnément. Nous partîmes ; la terre de Marcellin était située sur les bords d’une grande rivière ; elle serpentait dans le parc, en sorte qu’on pouvait aller et venir par eau de la petite ville voisine jusqu’au milieu des jardins de cette propriété. Il y avait là de jolis batelets, on s’embarquait sur un pont chinois, dont les degrés plongeaient dans l’eau. C’était l’occasion de toutes sortes de jeux et de parties agréables ; il y avait nombreuse compa-