Page:Ourliac - Nouvelles.djvu/107

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

os, et je grelottais de froid et de peur. Par moments, un bruit lointain prolongé, comme celui de la foudre, dominait tous les bruits de l’orage. Le guide baissait la tête et ne disait mot. Tout à coup, en levant les yeux, je tressaillis et je perdis le souffle. Il y avait devant moi une grande figure noire, montée sur une pierre, les bras étendus. C’était un vieillard avec une longue barbe, couvert d’un capuchon.

— N’allez pas plus loin, vous pouvez périr.

— Je le sais bien, dit le guide ; voulez-vous que je fasse peur à ce voyageur ?

— Les lavanges se détachent sur tout ce côté-là.

Le vieillard montrait les cimes voisines.

— Eh bien ! père Henri, si vous pouvez nous être de quelque chose, ça ne sera pas de refus ; je vous demanderai ensuite comment ça va.

— Venez avec moi.

— Prenez la bride du mulet, père Henri, je vais marcher derrière.

Le guide avait compris que j’étais plus mort que vif, il ne me parlait plus. Il recouvrit seulement en passant une de mes jambes que mon pantalon de toile, en remontant, avait laissée nue. Nous gravîmes par un chemin si difficile et si raide, qu’il ne tenait qu’à moi d’embrasser le cou du mulet, sur lequel j’étais appuyé tout à plat, je ne sais combien cela dura, j’avais les yeux fermés et j’avais perdu tout sentiment, comme dans une sorte de sommeil. La voix du guide me tira de ma torpeur.

— Allons, descendez, nous sommes des bons.

Il m’enleva dans ses bras et me soutint pour gravir les