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C'est à quelques Modernes que je m'attache, et principallement à ceux qui n'ont pas sceu discerner la politesse du langage de ce siecle, et bien loin d'imiter nos derniers Autheurs, ont rempli leurs ouvrages d'un grand nombre d'antiquailles qui sont capables de donner de la repugnance, et de faire perdre le credit au sujet qu'ils ont traitté, sans considerer que l'ornement est mesmes necessaire aux plus belles choses. Y a-t-il rien de plus desgoustant, qu'vne mulcte pecuniaire ; vn faire porter l'endosse ; vn garousser ; vn larder les passages ; vn boucler le traicte ; avoir serment à quelqu'un ; se fermenter ; fermentation ; estre enleuain des anciennes ialousies, ou du traittement ; à grand randon[1] ; & une infinité de semblables ordures, et iusques à des fautes de Grammaire qu'il seroit trop long de rapporter en ce lieu. Ie laisse encore les Historiens à part, et veux parler des Grammairiens qui se sont meslez de toutes sortes de proses. Quel jugement peut-on faire d'un cartel de deffy qui commence, vous aviez chaußé vos lunettes de travers, etc.[2] D'vne lettre serieuse qui contient ces mots, vous vous en torchez les souliers. D'vn compliment d'une Demoiselle à un honneste homme, Monsieur vous vous equivoquez prenant Paris pour Corbeil, ou pannier pour corbeille[3]. D'vn Ange de Greue pour Sergent ou geollier à Strasbourg, c'est proprement un crocheteur à Paris. Et ailleurs, les oreilles m'ont bien corné depuis n’agueres, c'est que vous approchiez desia, je vous sentois de loin, et ce mot de corner, ne s'entend pas de la sorte, mais pour dire seulement que l'on parle d'une personne en son

  1. Voyez le Soldat Suedois.
  2. Martin en ses Gram. page 513, pa. 508.
  3. Compl. page 53. Nomencl. page 130. dans ses Colloques page 2.