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cipe au bout, il l’a élevé à la hauteur la plus périlleuse ; tellement périlleuse, qu’il n’était plus possible de s’y tenir après lui, et que ceux qui ont voulu le suivre ont été entraînés dans l’abime où la philosophie perd tout caractère historique, dans l’hérésie de tous les temps et de tous les lieux, dans le néant du panthéisme.

Ce qui distingue le protestantisme, c’est la négation de toute autorité supérieure à la raison individuelle, « Je ne croirai que je me suis trompé, que lorsqu’on me l’aura prouvé, » a dit Luther à la diète de Worms : nul n’était donc tenu d’accepter les croyances des autres, de se soumettre aux mêmes devoirs qu’eux ; chacun était juge suprême et infaillible en toutes choses ; le moi se faisait centre et coordonnait tout de son point de vue. Or, ce que Luther a fait en religion, Kant l’a fait en philosophie. Jusque-là il avait existé un fonds commun de faits acquis, de notions reçues ; il était une base de la discussion hors de discussion elle-même ; personne n’avait porté le doute sur les moyens mêmes du raisonnement ; une partie des règles de la logique, les idées générales de la métaphysique, certaines données ontologiques et morales, étaient restées à l’abri de toute attaque ; les nier, c’était nier le langage dont on se servait, c’était s’interdire la faculté de penser. Kant les jugea au point de vue du moi, et elles s’écroulèrent toutes comme un vain échafaudage. Descartes aussi avait fait du