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UNITÉS OU ENSEMBLES

encore aujourd’hui. Plantin à Anvers (vers 1530). Fondation à Paris de la Bibliothèque nationale (1595), et de l’imprimerie nationale. Les premiers journaux. La constitution des sciences en corps de doctrines autonomes. XVIIIe siècle : les idées travaillent le peuple. L’encyclopédie de Diderot et d’Alembert. Le rôle des livres, du pamphlet et des journaux politiques dans la Révolution française. XIXe siècle : les inventions mécaniques appliquées à la production du Livre ; la reproduction photomécanique de l’image ; le triomphe de la démocratie ; la diffusion de l’enseignement ; le régime constitutionnel dans les grands États basé sur la liberté de la parole et de la presse ; progrès dans l’organisation administrative des États et rôle des imprimés de toute espèce à ce point de vue. Développement des sciences sur la base de la division du travail ; organisation rationnelle de la librairie et de la presse scientifiques ; la revue, le journal d’information. La librairie et l’édition se font universelles, les bibliothèques géantes et les éditions géantes. Organisation internationale du Livre et de la Documentation.

3. Les Phases.

Toute histoire est divisée en deux manières : par date (chronologie), par phases (phaséologie, stades, époques). En vertu de la première, on se borne à déterminer la localisation d’un événement dans le temps, en vertu de la seconde, on détermine la division du temps d’après la durée de quelques grands faits subordonnant ou influençant les autres et s’étant succédé selon une certaine ratio. La chronologie est commune à l’histoire générale et à l’histoire spéciale bien que, dans ce dernier cas, il ne soit fait mention que des faits généraux influençant les faits spéciaux et, quant à ceux-ci seulement, les faits intéressant la spécialité à l’exclusion des autres. Les phases au contraire sont distinctes, selon qu’il s’agit d’histoire générale ou d’histoire spéciale, distinctes aussi d’après chaque histoire spéciale.

L’histoire générale est divisée en préhistoire, antiquité (5000 ans), moyen âge (1000 ans), nouvel âge (350 ans), âge présent (120 ans). Au point de vue matériel, l’histoire du Livre présente les grands faits suivants qui délimitent autant de phases : 1. avant l’écriture ; 2. l’invention de l’écriture ; 3. l’invention du papier ; 4. l’invention de l’imprimerie, les revues et les journaux périodiques ; 5. la lecture généralisée et la production en masse ; 6. la multiplication de l’image ; 7. les nouveaux substituts du livre (radio — phono — film).

Au point de vue intellectuel, l’histoire du livre est divisible en un nombre très divers de phases qui se confondent avec celles de l’histoire des sciences, des lettres, des arts, de l’éducation, de la vie économique, sociale et politique.

En établissant les phases du développement historique de chaque élément, et de tout l’ensemble, cela à divers points de vue, on arrive au résultat de mieux concevoir toute l’évolution.[1]

4. Histoire des livres et histoire des réalisations.

L’histoire de la littérature est l’histoire des livres et celle de l’influence des livres. Ce n’est pas celle de la politique. Pendant de longues périodes la pensée des livres et la conduite des affaires politiques sont tout à fait distinctes. Quand on passe à l’action, les choses changent. Il ne s’agit plus seulement de raisonner, de discuter, de proposer, il faut tenter d’agir. Tant qu’il n’y a en présence que des écrivains et des lecteurs, la valeur d’une idée ne dépend que de l’intelligence et du talent de l’écrivain et de l’accent, de la compréhension des lecteurs. Si l’on commence au contraire à réaliser, c’est la réalisation qui compte. On voit une opinion réformiste devenir une opinion agressive puis une opinion révolutionnaire. (Daniel Mornet.) Histoire des idées d’un côté, histoire des activités de l’autre.

324 Le livre et la littérature.

1. Notion.

a) La Littérature est l’ensemble de la production littéraire d’un pays ou d’une époque. Au sens large, par littérature on peut aussi entendre toutes sortes de livres. Une partie importante de la Bibliologie doit consister à étudier les lois générales de la production, de l’échange et de la consommation littéraire.

Les œuvres de littérature fournissent la source la plus abondante pour l’étude comparée du livre aux divers points de vue bibliologiques.

C’est la littérature aussi qui a fourni la majeure partie de la production bibliographique. Pour beaucoup d’hommes, le livre littéraire est tout le livre.

b) Dans sa préface des Contemplations, Victor Hugo a défini ainsi le contenu de la littérature ; « Une destinée est écrite là jour à jour. Ce sont là en effet toutes les impressions, tous les souvenirs, toutes les réalités, tous les fantômes vagues, riants ou funèbres, que peut contenir une conscience, revenus et rappelés rayon à rayon, soupir à soupir et mêlés dans la même nuée sombre. C’est l’existence humaine sortant de l’énigme du berceau et aboutissant à l’énigme du cercueil ; c’est un esprit qui marche de lueur en lueur en laissant derrière lui la jeunesse, l’amour, l’illusion, le combat, le désespoir et qui s’arrête éperdu, au bord de l’infini. Cela commence par un sourire, continue par un sanglot et finit par un bruit de clairon dans l’abîme. La littérature découvre une âme, un cœur, une souffrance, une vertu, un vice. »

  1. Muller-Lyer. — Phasen der Kultur. The History of Social development a mis en œuvre cette méthode en sociologie, notamment en économie.