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SUBSTITUTS DU LIVRE

243.39 Documentation. Cinémathèque. Cinécatalographie.

a) Il est devenu nécessaire d’opérer l’inventaire et la conservation des films.

Que deviennent les films projetés qui sont dans le commerce ? Comment les cataloguer, comment les obtenir plus tard ? On a donc créé des cinémathèques (cinéthèque, filmathèque). On a établi des catalogues de films.[1]

b) Le nombre de cinémathèques croît dans les divers pays.

À Paris, la cinémathèque nationale française a été réalisée au Trocadéro. Elle conserve les 500,000 mètres de films tournés pendant la guerre par les soins du Service cinématographique de l’armée. Les salles ont été divisées en boxes indépendants à l’aide de cloisons métalliques pour parer aux risques d’incendie et elles sont pourvues d’un système de ventilation perfectionné pour maintenir les conditions hygrométriques voulues. On espère que les firmes contribueront en déposant un positif, surtout le négatif. On se propose de sélectionner les films après dix ans.[2]

En France, le Ministère de l’Agriculture a un service de prêt gratuit de films et une somme de 2 millions a été affectée à l’achat de films agricoles documentaires, etc., à la suite des décrets des 20 novembre et 17 décembre 1923.

À signaler aussi à Paris le Musée de la Parole, de Ferdinand Brunot.

En Angleterre les dépôts du Comité de l’Union Chrétienne des jeunes gens mettent à la disposition de tout village situé dans le territoire du Comité et contre une rémunération modérée 600 pieds de films avec tout le matériel nécessaire pour un opérateur expérimenté.

c) Il est prévu que l’Institut International de Cinématographie éducative à Rome coopérera à la constitution d’une bibliothèque internationale du cinématographe et à l’élaboration d’un catalogue général des films éducatifs.

d) Tandis que les livres placés dans la bibliothèque y sont à durée quasi illimitée, sans altération, les films obtenus jusqu’ici par la technique nécessitent des précautions. On évalue en général à une vingtaine d’années le maximum de longévité d’une bande négative. Les positifs, déroulés et réenroulés tant de fois par les appareils de projection se détériorent. Aussi les bandes considérées comme étant dignes d’être sauvées devront-elles périodiquement être tirées à nouveau, afin qu’un négatif neuf puisse à son tour en prolonger l’existence.

c) Une grande cinémathèque comporte les services suivants : service de cinématographie, une salle de projection, un atelier de montage des films, une réserve de films, une bibliothèque, une salle d’exposition des appareils scolaires, un musée du cinéma.

f) On a établi des catalogues de films (ciné-catalographie). Le film étant un document, les règles de la catalographie bibliographique en général y sont largement applicables : auteur, collaboration, titre, sujet, date, substance du support, format, étendue, modalité (couleur, son, etc.), éditeur, versions successives.

243.4 Radiophonie. T. S. F.
243.41 Généralités.

a) Du point de vue documentaire, la Radio peut être définie le « livre à entendre ». Il est en un certain sens un substitut du livre et, du point de vue bibliologique, il convient d’en bien saisir les caractères.

b) La radio se révèle le plus formidable instrument de transmission intellectuelle, artistique et morale qui ait été mis à la disposition de l’homme. Il donne aux penseurs, aux conférenciers, aux poètes, aux musiciens, avec un minimum d’efforts, le maximum de communication tant par l’étendue que par l’intensité. La pensée confiée au journal ou au livre est un numéro du tirage, sujet à toutes les lenteurs des transports. Il lui faut pour se faire admettre, vaincre la résistance qu’offre chez tout homme l’effort à lire et la lâcheté à réfléchir. Au contraire, la pensée radiodiffusée ne demande, pour être accessible, que la peine de tourner un bouton et pouvant aisément s’associer à une occupation matérielle, comme le travail manuel, comme les repas trouve tout naturellement un public disposé à l’accueillir. De plus, elle est seule à atteindre plusieurs catégories d’auditeurs fermées pour une raison ou pour une autre à l’action du livre et du journal. Ainsi les illettrés, les pauvres, les aveugles, les infirmes. Par ce fait seul, elle dépasse donc immensément les ressources de l’imprimerie, de la tribune, du théâtre, ou de la chaire. C’est à peu près la totalité des populations du globe qui pourra être atteinte et impressionnée. (Lhaude)

Le Pape a fait inscrire sur la porte de la station du Vatican : « Jusqu’aux limites de la Terre, au-dessus des ondes de l’Éther, à la Gloire de Dieu et pour le Salut des hommes ». Le Recteur de l’Université de Louvain, en un discours rectoral, a dit : « La Radio et le Cinéma sont devenus de plus puissants propagateurs d’idées que la chaire de vérité ». Lénine est le premier homme d’État qui ait saisi la forme de propagande de la radio.

  1. Demande du Congrès international de Cinématographie que soit formé un catalogue général de films documentaires et constituée une cinémathèque générale.

    Vœu n° 11 de la 2e section du Congrès International des Bibliothèques et des Bibliophiles, Paris 1923. « Que le dépôt légal soit étendu aux productions cinématographiques sous la forme pareille au projet de loi déposé devant les Chambres françaises, forme qui en permet la conservation et la consultation dans les bibliothèques. » (MM. Guisbach et Perrot.)

  2. Fernand Lot : La Cinémathèque du Trocadéro, Larousse, 15 mars 1933.