Page:Otlet - Traité de documentation, 1934.djvu/189

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
184
242
LE LIVRE ET LE DOCUMENT


Au Ve siècle, on recopie sur parchemin en codices les papyrus antérieurs, tant fut grand l’engouement pour les codices.

Au moyen âge, étant donné la pénurie du papier et parfois aussi l’ignorance de la valeur des ouvrages, on écrivait souvent sur des parchemins dont on avait gratté la première écriture. Celle-ci, dans bien des cas, a pu être rétablie et on a retrouvé par là des monuments importants de la littérature ancienne. (Ex. : la République de Cicéron, les Institutes de Gaius). On donne le nom de « palympsestes » à ces manuscrits.

242.13 Enluminure. Miniature. Décoration.

Ce reste un sujet de discussion, si c’est l’écriture qui a donné lieu à l’enluminure des manuscrits. Mais les plus anciennes inscriptions sont accompagnées d’images. Le Livre des Morts des Égyptiens est aussi notre plus ancien livre illustré. Mais il y en eut de fort anciens pour les mathématiques, la botanique et la médecine. Les Grecs eurent une tradition d’illustrations. L’art byzantin l’a continuée avec tendance vers l’art décoratif oriental (plus grand formalisme, symétrie dans la composition, suppression des fonds. Les notes irlandaises d’enluminures (VIIe au Xe siècle) commencent avec la pure décoration non pas illustrative du texte, mais artistiquement unie à elle. La renaissance Caroline (IXe siècle) combine le style classique, byzantin et celtique.[1] L’unité devient admirable, la page texte, les lettres initiales, les peintures et le cadre forment un ensemble décoratif harmonieux. Les miniatures constituent, comme les livres illustrés de nos jours, des sources précieuses de documentation iconographique : portraits, édifices, scènes de la vie familière, dessins scientifiques ou quasi scientifiques dans les traités botaniques, les lapidaires, les bestiaires, les œuvres médicales.[2]

242.14 Erreurs dans la copie.

Les anciens ouvrages manuscrits étaient accompagnés d’une formule certifiant conforme à la minute officielle. Cette formule disait souvent « nous avons collationné ».

À la vérité, les fautes de copies pullulaient dans les manuscrits. Au XIIIe siècle, le cardinal Hugues de Saint-Cher, dominicain, entreprit de corriger l’Écriture sainte d’après le texte original et les meilleurs manuscrits. Il en a publié une édition et le chapitre général de son ordre, en 1236, décide que toutes les Bibles de l’ordre seraient revues et ponctuées d’après elle.

Les erreurs dans les manuscrits ont été classées ainsi par Hall :

A. Confusion et tentative pour y remédier. (1) Confusion de lettres et syllabes similaires. (2) Mauvaise interprétation des abréviations. (3) Mauvaise transcription de mots par suite de ressemblance générale. (4) Fausse combinaison ou séparation, fausse ponctuation. (5) Assimilation de terminaison et accommodation à une construction voisine. (6) Transposition de lettres (anagrammatisme) et de mots et de phrases, déplacement de phrases, de sections et de pages. (7) Fautes dans la transcription du Grec et Latin et vice versa. (8) Confusion de nombres. (9) Confusion de noms propres. (10) Fautes dues au changement de prononciation. (11) Substitution de synonymes à des mots plus familiers. (12) Nouvelle orthographe. (13) Interpolation ou tentative de corriger ou de remédier à une omission antérieure. — B. Omission : (14) Haplographie ou omission de mots de commencement ou de fin similaires. (15) Lipographie (parableptis) ou simple omission de toute espèce. — C. Addition : (16) Dittographie ou répétition d’un contexte immédiat. (17) Insertion de notes ou glosses interlinéaires ou marginales. (18) Lecture complétée. (19) Addition due à l’influence d’écrits de même espèce.

242.15 Collections. Bibliothèques.

Les manuscrits sont conservés dans les bibliothèques. Ils y donnent lieu à des fonds spéciaux, éventuellement à des sections, départements ou cabinets. Ces fonds y représentent des valeurs intellectuelles et économiques considérables.

Parmi les bibliothèques les plus riches en manuscrits, il faut citer la Bibliothèque du Vatican, la Bibliothèque Nationale à Paris, celle du British Museum à Londres. La Bibliothèque Royale à Bruxelles est aussi fort riche, procédant de l’ancienne bibliothèque des Ducs de Bourgogne. Les Bibliothèques américaines ont acquis beaucoup de manuscrits, rendant tributaires d’elles les travailleurs européens.

242.16 Catalogue de manuscrits.

Les catalogues de manuscrits sont fort importants, car il s’agit d’œuvres souvent uniques, non encore reproduites et dont, en tous cas, il importe de connaître les divers exemplaires existants. Certains manuscrits anciens ont été connus très tardivement par suite de l’ignorance des possesseurs ou du grand travail d’identification nécessaire dans les dépôts.

Le manuscrit des Institutes de Gaius ne fut découvert qu’en 1816 à Vérone.

  1. Morey, Charles Rufus. Sources of medieval style. Art Bulletin 7 (1924).
  2. Choulant. History and Bibiograpby of an Anatomic Illustration (1920). — Engelman, R. Antike Bilder aus römischen Handschriften in phototypischer Reproduktion. Leiden. Sijthoff 1909. — Bradley, J. W. Illuminated manuscripts. London Methuen 1905. — Jacobi Franz. Deutsche Buchmalerei in ihren stilistischen Entwicklungsphasen. Mun. Bruckmann 1923. — Henry Martin. Le livre français des origines à la fin du second Empire. Paris, Van Œst 1926. — Société française de reproduction de manuscrits ou peintures. Bulletin.