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ont de fondamental, restent au même point. Une simple union économique entre l’Allemagne et l’Autriche aurait cimenté les intérêts des deux peuples plus étroitement que l’alliance. — f) L’histoire des alliances montre tout le factice de la lutte des peuples. Aujourd’hui ennemis, demain amis, pour des raisons auxquelles le sentiment des peuples n’a rien à voir. La « haine des peuples » est forcée d’évoluer au gré de la « Raison d’État » (ex : chrétiens Allemands et Turcs, Bulgares et Turcs pendant cette guerre). — g) Après la conférence de Londres on pouvait envisager la possibilité que d’une Triplice et d’une Triple Entente se serait formée une alliance entre les six puissances. Les alliances, en effet, ont été un acheminement vers l’organisation de l’Union des États. Les intérêts directs sont tellement noyés dans les grandes alliances, flanquées chacunes d’ententes et d’accords collatéraux, il s’agit pour chacun d’être « ami » avec tant de monde que l’esprit s’est accoutumé à la possibilité d’une alliance générale. En outre, toute alliance étant une limitation de souveraineté, les États se sont habitués à la nécessité de ces sacrifices. Le bon sens des peuples finit par dire : « Puisqu’on a pu répartir déjà tout le monde en deux blocs, qu’on fasse un pas de plus et que pour éviter la guerre on fasse un seul bloc des deux. » Ainsi nous sommes conduits des alliances temporaires et particulières à l’alliance générale et perpétuelle.

295. Changements dans la situation relative des États.

Dans l’antiquité et au moyen âge, le monde connu et en relation, l’« œcumène », se limitait à l’Europe et aux rives de la Méditerranée. Les grandes découvertes du XVe siècle décuplèrent la superficie des terres connues ; l’émigration peupla des continents nouveaux ; les grandes inventions du XIXe siècle supprimèrent les distances et donnèrent une formidable impulsion à l’activité humaine. En moins de trois siècles, la planète fut transformée. — Des colonies comme les États-Unis d’Amérique naquirent, grandirent, secouèrent le joug de la métropole, et furent bientôt, par leurs richesses et le nombre de leurs habitants, plus puissantes que les plus grands États de l’Europe. — Des États étrangers, comme le Japon, se réveillèrent d’un sommeil séculaire et, en quelques années devinrent des puissances redoutables avec lesquelles les plus forts doivent désormais compter. — Une partie du monde, jusqu’alors à peu près déserte, se peupla avec une rapidité effrayante et forma l’Empire russe. — L’Angleterre constitua le plus vaste empire qui ait jamais existé et sépara nettement sa destinée de celle de la petite Europe, aux dépens de laquelle elle avait du reste acquis son hégémonie maritime. Des colonies, comme les Indes, le Canada, l’Australie, l’Afrique du Sud, l’Égypte prennent chaque jour de l’extension. — Enfin, l’Empire chinois, qui sommeilla longtemps, menace avec ses 370 millions de travailleurs, de conquérir écono-