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qui doutent, de ceux qui souffrent, de ceux que paralyse leur impuissance !


L’entité-moi. — En dehors du moi individuel humain, il est des « moi » collectifs. Ce sont des personnes morales, des entités constituées par convention, des réalités d’accoutumance. (Ex. : la famille, l’association, la cité, la nation). Ces « moi » sont aussi des centres rapportant à eux-mêmes toutes choses et agissant comme sujet par rapport à l’univers hors d’eux, l’objet. Comme le «moi» humain, psychologique est égocentriste, ils sont x-centristes.


Le sentiment. — Le sentiment l’emporte, car il est le seul élément synthétique de la vie des masses. Il est l’instinct, l’irraisonné, l’inconscient. Il totalise et moyennise tout, à tout instant, automatiquement. C’est par lui qu’on se décide, qu’on persévère, qu’on peine et qu’on jouit, que l’on hait et que l’on aime.

Il y a les infinies complications de la psychologie. On pourrait réduire cependant le sentiment à deux groupes dont les manifestations sont plus ou moins étroitement analogues entre elles et qui se posent, l’un sur le plan matériel l’autre sur le plan spirituel.

Les sentiments ont une longue évolution. Les stratifications inférieures et primitives de la violence ont été couvertes par les stratifications psychiques supérieures. Elles sont toujours prêtes à revenir à la surface et à dominer lorsque les sentiments dont la formation est plus récente se sont écroulés ou ne sont organisés que d’une façon instable. (Théorie de la criminalité latente.)

La passion (avec ses degrés, de la sympathie, de l’amour à la folie, à la luxure) est une sorte d’être vivant magnifique ou monstrueux, qui plonge sa naissance dans le mystère, et l’épanouit dans le mystère de la fin. La passion a donc une vie, un cycle, naît, se développe et meurt. La passion est partout côte à côte avec la raison, partageant avec elle selon des proportions variantes la totalité qui est la vie. La passion est individuelle, elle est aussi collective.

Le motif de toute action est le sentiment. Tous les