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Préparer la jeunesse à la vie est une formule imprécise. Quelle vie ? À dix ou vingt ans de date la société actuelle, vu l’accélération qui caractérise son évolution actuelle, sera dans des conditions nouvelles largement imprévues et imprévisibles. D’autre part, un grand nombre de conditions sociales actuelles sont formellement réprouvées par les meilleurs esprits qui se refusent à les voir se perpétuer et qui s’opposent, par conséquent, à une formation de la jeunesse aboutissant à faire perpétuer ces conditions au titre d’ordre normal, soit à les faire condamner théoriquement mais accepter au titre de résignation.

C’est le point de vue de la réforme sociale qu’il faut savoir nettement adopter. Ce point de vue implique l’adhésion aux principes directeurs suivants : a) la formation de la jeunesse doit répondre au type le meilleur en soi et non pas au type le mieux adapté à la société actuelle. Celle-ci, en effet, est basée sur la guerre, sur la concurrence, sur l’exploitation, sur l’immoralité. S’il fallait perpétuer ces caractères il faudrait s’attacher à former des êtres sanguinaires, vindicatifs, rusés, intrigants, immoraux ; b) l’éducation doit être caractérisée par une extrême souplesse d’adaptation. C’est le moyen d’avantager l’individu dans sa vie sociale future. Elle le mettra à même de tenir compte des conditions nouvelles imprévisibles. Elle lui facilitera à lui-même les compromis reconnus nécessaires entre l’idéal imprimé en lui et les contingences réelles qui s’imposeront.

L’éducation nationale soulève de graves et délicats problèmes. Cette éducation repose non sur la culture d’un sentiment naturel, mais l’enseignement d’un système artificiel de vérités, ou isolées de leur point de comparaison ou incontestable ou bénéficiant de la protection à l’égard de vérités qui leur seraient opposées. Une société mondiale exige une éducation dont le centre ultime soit le Monde et l’Humanité. L’éducation mondiale suppose l’enseignement d’un programme minimum et la culture d’un minimum de sentiments.