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lectuelle. Que l’on songe à l’ignorance profonde des masses et à l’inaccessibilité pour elles de presque toutes les notions scientifiques qui sont courantes chez les élites. La langue pour elles est le grand instrument de la culture, comme pour l’enfant. Avec les mots de la langue usuelle se transmet tout le savoir traditionnel. Il en est surtout ainsi pour les civilisations orientales dont les littératures, les philosophies et les religions sont le seul acquis, en l’absence de toute éducation basée sur des connaissances scientifiques.

Mais si la langue joue ce rôle chez chaque peuple, entre peuples elle est la forme la plus importante et la plus apparente des différences. La diversité des langues n’est pas seulement une cause de non-compréhension, elle est aussi une cause de malentendus. Chaque langue a des propriétés particulières ; il ne suffit pas d’en traduire les mots littéralement, il faut une constante mise au point.

Cependant, entre les peuples, l’obstacle du langage, immense et millénaire, commence à être détourné ; la connaissance des langues se répand parmi des élites de plus en plus nombreuses, leur emploi simultané s’organise, elles s’interpénètrent les unes les autres et s’enrichissent d’expressions communes pour tout nouvel acquis ; une langue auxiliaire, intermédiaire de toutes les autres s’offre pour résoudre radicalement les difficultés.

Alphabet. — À la question des langues se rattache la question des alphabets, base des écritures. L’alphabet latin tend à devenir universel, mérite qu’il doit à sa clarté, mais les alphabets nationaux lui résistent : en Allemagne le gothique, chez les Russes et certains slaves l’alphabet russe. Exemple de luttes : les premiers chefs albanais voulurent avoir un alphabet national uniforme et connu de tous les Albanais du nord, du sud et du centre. Ils choisirent l’alphabet latin. Mais ils eurent à lutter contre les Jeunes-Turcs qui voulaient alors imposer l’alphabet turc qu’ils avaient créé de toutes pièces. Depuis les Turcs se sont ralliés à l’alphabet latin.