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gues sont devenues écrites, fixant ainsi le vocabulaire, la grammaire, l’orthographe. Chaque peuple a sa littérature : poésie, théâtre, contes et romans, genres secondaires. Cette littérature raconte sa vie, ses mœurs, ses idées, ses jugements sur les choses, ses rêves et ses idées. Elle est exprimée en sa langue, qui trouve ainsi en elle à la fois son expression la plus haute et son moyen de conservation le plus sûr. La littérature est l’âme de la vie publique, la conscience de la nationalité.

La littérature constitue une force sociologique vitale. Elle impressionne un à un, mais elle impressionne tous de la même manière. Certaines œuvres exceptionnelles agissent sur une élite intellectuelle et, par l’intermédiaire de celle-ci, sur la masse ; d’autres œuvres agissent directement sur la masse.

Les œuvres littéraires ont voyagé, elles ont traversé les frontières. On les a lues, traduites, adaptées. Des influences se sont établies. La littérature grecque, la littérature latine ont agi sur toutes, avec l’universalité qui caractérise l’humanisme. Mais les littératures nationales se sont compénétrées. Pour ne prendre que la littérature française, on constate successivement l’influence sur elle, subséquente aux littératures anciennes, de la littérature italienne et espagnole, puis allemande et anglaise, puis russe, enfin Scandinave, sans parler des autres influences moindres, comme la littérature exotique.

« Mes amis, disait Diderot, faisons des contes : pendant que nous en faisons, nous oublions et le conte de la vie s’achève sans qu’on s’en doute. »

L’histoire vraie de la littérature, c’est au delà de la liste complète des auteurs, celle de l’enchaînement des œuvres, de la formation des genres ; c’est surtout l’étude des transformations, des sentiments, de l’amour de la nature, le sentiment religieux, etc., sous l’empire des conditions du temps, même de l’état économique. Il y a aussi une sorte de détachement qui s’opère entre l’œuvre en forme individuelle et concrète et l’objet général dont elle traite ces sentiments.