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libres de leur nature, et sans que rien ne doive les entraver dans leur expansion, ces forces ont besoin d’une organisation pour croître et exercer une action régulière. Au lieu de flotter et de se dissiper dans le vide, elles doivent être captées, recevoir un façonnement, être incorporées, se fixer sur des points d’application dans des institutions. Cette organisation, indispensable pour les rendre utiles au corps social, doit naturellement être internationale à son degré ultime. Ainsi le veut la poussée spontanée des efforts, la coopération basée sur l’économie des énergies, le besoin d’une pensée universelle dominant toutes les pensées particulières, élaborant l’idéal de l’espèce, de l’humanité tout entière.

Pareille organisation est en réalité celle du pouvoir spirituel. Il faut le concevoir agissant à côté du pouvoir politique pour informer, conseiller, éclairer, permettre à tous les degrés de l’action collective de mettre à profit le savoir organisé dans des buts de progrès. À lui ce pouvoir d’exercer la lointaine influence des données rationnelles sur les passions, les sentiments, l’égoïsme brutal des intérêts. « Les poètes et les savants, ou d’un seul mot les philosophes, élaborent l’idéal. Après quoi les législateurs et les gouvernants ou, d’un seul mot, les politiques le réalisent. Des poèmes et des systèmes, classifiés et fixés en lois et en décrets, telle est la double opération connexe du pouvoir spirituel et du pouvoir temporel, ou, d’un seul mot, du pouvoir. » (Izoulet.)

Déjà Auguste Comte entrevoyait l’établissement d’un tel pouvoir, chargé d’élaborer et de propager une doctrine universelle, pouvoir dont l’autorité purement morale s’étendrait progressivement à l’ensemble de l’humanité. Il le concevait fondé exclusivement sur la compétence et le dévouement d’un côté et sur la libre confiance de l’autre. Il ne serait qu’un organe supérieur de ralliement et de règlement moral sans contrainte. Il n’aurait aucun caractère absolutiste ni mystique. Son ministère serait exercé en toute liberté et ne porterait pas plus atteinte à la liberté intellectuelle des hommes, entièrement respectée, qu’il n’empiéterait sur l’indépen-