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telle elle a une certaine qualité qui fait qu’elle s’impose à l’obéissance de tous. Dans les premiers temps de l’empire cependant, comme sous la république, l’idée subsiste que l’empire était la propriété indivisible et éternelle du peuple romain, que l’empereur devait l’administrer, mais qu’il ne pouvait pas y porter atteinte. Par là, la monarchie des Flaviens et des Antonins fut essentiellement différente des monarchies asiatiques et ressembla plus aux monarchies modernes de l’Europe qui sont toutes animées d’un si puissant souffle romain. Pendant la période féodale, la notion de l’imperium s’éclipse presque complètement. Le seigneur féodal n’est pas un prince qui commande en vertu de l’impérium : il est un contractant qui demande l’exécution des services promis en échange des services qu’il a promis lui-même. Dans la période moderne reparaît l’impérium. Sous l’action des légistes, elle devient la souveraineté royale, mélange de l'impérium moderne et de la seigneurie féodale. C’est au déclin de la féodalité que les juristes, appuyant le mouvement des peuples vers l’unité nationale, cherchèrent à attribuer à l’État un caractère qu’il fut le seul à posséder, qui, tout en le distinguant des autres collectivités publiques, permît de préciser la nature de sa mission interne et externe. Jean Bodin, le premier (1576), a défini la souveraineté : la puissance suprême, summum imperium summa potestas, qu’il attribue au roi, confondant, suivant l’usage de l’époque, l’État avec le monarque. On a basé sur ses écrits l’absolutisme royal. En 1789 le roi est dépossédé du pouvoir par la nation, dont on essaie de légitimer les droits par la métaphysique du Contrat social.

Le principe de tout le système du droit public moderne se trouve résumé dans la formule suivante : ceux qui en fait détiennent le pouvoir n’ont pas un droit subjectif de puissance publique, mais ils ont le devoir d’employer leur pouvoir à organiser les services publics, à en assurer et à en contrôler le fonctionnement. Le droit public n’est plus un ensemble de règles s’appliquant à des sujets de droits différents, l’un supérieur, les autres subordonnés, l’un ayant le droit de commander, les autres le devoir