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l’existence de ces puissants groupements, déterminer les règles de leur coordination et leurs rapports avec les gouvernements. Les anciennes théories civilistes de la Révolution, opposées à l’association, ont été impuissantes à s’opposer au mouvement. Quant aux théories collectivistes, elle concluent à l’absorption de tous ces groupements par l’Etat.

Il ne faut pas s’y tromper : entre les associations d’avant guerre, qui n’avaient pas à agir nécessairement par la bureaucratie mais par des corps formant une certaine indépendance et celles d’autrefois, il y a des différences radicales. Au moyen âge l’homme appartenait tout entier à sa corporation. Celle-ci était obligatoire ; elle défendait les intérêts inhérents à son métier ; placée sous le patronage d’un saint, elle était aussi une confrérie dont les membres se réunissaient le dimanche dans la chapelle qui était la leur dans la cathédrale. Et c’était à l’intermédiaire de sa corporation que l’homme avait une influence sur les destinées de la cité, car les assemblées communales étaient composées notamment de représentants des corporations. L’évolution lentement s’est faite. À l’association polyforme du moyen âge, qui suffisait à elle seule à tous les besoins économiques, religieux et politiques de ses membres, se sont substituées plusieurs espèces d’associations différentes. Les ouvriers de nos jours ont leurs syndicats professionnels, mais ceux-ci en général ne s’occupent que de leurs intérêts économiques et sociaux. Ils ont leurs grandes associations politiques, représentant des idéals opposés et contradictoires : celles-ci socialistes, celles-là libérales ou conservatrices. Ils ont leurs organisations religieuses ou philosophiques, leurs paroisses, leurs sodalités ou leurs loges maçonniques. C’est la division des fonctions. C’est la liberté d’association. Un même syndicat professionnel peut comprendre des catholiques, des protestants et des juifs ; un même parti politique enrégimente des ouvriers de toutes les professions et, avec eux, des patrons, des hommes de science et des hommes d’église ; une même paroisse unit des âmes réparties très diversement dans l’action politique ou l’exercice des professions. C’est la