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lopper par le raisonnement et d’en trouver l’expression verbale. Je dirais donc que la clarté de la perception a augmenté et que les vues d’ensemble se sont élargies. Un travail prolongé de quelque nature qu’il soit ne produit en moi aucune fatigue : il a au contraire un effet vivifiant et réjouissant qui rejaillit sur le bien-être physique. Ceci s’applique surtout aux méditations d’ordre philosophique. »

L’harmonie que certains vieillards éprouvent avec l’évolution dont ils sont témoins et avec le changement qu’elle implique se trouvent dans l’anticipation mentale de cette évolution et de ce changement dès leur jeunesse et dès leur âge mûr. Puisqu’ils étaient mécontents de l’état de choses d’alors, les penchants ultra-conservateurs de la vieillesse ne trouvent pas à quoi se raccrocher dans leurs souvenirs.

« C’est d’une mélancolie irritante et troublante à la fois que le malentendu chronique persiste entre les hommes de cinquante ans et ceux de vingt-cinq. Les hommes de cinquante ans ne sont vieux que parce qu’ils l’ont bien voulu. Ils ont voulu vieillir. Leur cœur s’est raccorni au lieu de s’épanouir. » (Abel Lurkin.)

Dans tous les mouvements, la jeunesse se plaît à diminuer les idées des vieux. Et pourtant elle oublie que si la génération nouvelle peut avoir des horizons plus larges c’est qu’ils ne lui sont visibles que parce que les anciens ont pu placer solidement leurs pieds.

Durant les siècles antérieurs, l’homme demeurait confiné dans le rayon de ses expériences. Ce qui s’accomplissait durant le cours d’une année se répétait à peu de chose près l’année suivante. L’expérience était le privilège de l’âge et confinait à la sagesse ; les vieux en savaient plus que les jeunes, ils avaient vu plus de choses qu’eux et avaient par conséquent sur eux l’avantage. C’est l’âge qui a régné sur le monde jusqu’à ces dernières décades.

Autrefois, dans certaines civilisations, on tuait les vieillards, et c’était pour leur rendre service, pour leur éviter de grands maux. Aujourd’hui, nous avons orga-