Page:Otlet & Wouters - Manuel de la bibliothèque publique, 1930.djvu/34

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


125. Mécanisme intellectuel de la lecture. Psychologie du lecteur.

La bonne lecture n’est pas le résultat d’un acte spontané. Elle doit être organisée ; l’esprit doit être formé, il faut une méthode. Sans système, la lecture ne saurait conduire à la culture et à l’usage pratique des connaissances contenues dans les livres. Il faut constamment produire des types plus élevés de lecteurs.

La plus noble tâche du bibliothécaire, c’est d’apprendre à lire et à s’instruire. Lire, ce n’est pas épeler, ce n’est pas répéter à la vue les mots et les phrases, c’est comprendre, s’assimiler, réagir intellectuellement. À son stade le plus élevé, lire c’est le prélude de la pensée originale et de la production intellectuelle.

Le livre bien fait est un véritable édifice intellectuel, une synthèse d’idées et non uniquement une collection classée de renseignements. Il expose des arguments pour démontrer, il enchaîne des faits pour mettre en évidence des aspects, des points de vue. Les mots, les phrases, les chapitres, se succèdent comme moyens d’exprimer, d’expliquer, de faire comprendre et sentir une pensée unique, mais complexe, divisée, ramifiée. Tant que la pensée du livre n’est pas perçue, comprise, assimilée, le livre n’est pas bien lu. Souvent les yeux seuls suivent un texte et l’intellect ne participe pas à la lecture : on ne comprend rien jusqu’à ce que l’attention étant plus concentrée, la terminologie mieux interprétée, tout à coup la lumière se fait pour la page, pour le chapitre, pour le livre. Le phénomène mental est analogue à celui du débutant qui sait épeler les syllabes d’une phrase bien avant qu’il ne peut en saisir le sens. Les yeux de l’esprit doivent lire en même temps que les yeux du corps et, certes, ce n’est pas la même chose.

Les études psychologiques ont conduit à définir des types mentaux chez l’enfant et chez l’adulte. Ces études, transportées dans le domaine du livre, ont acquis une importance capitale. Elles sont fondées sur la relation entre les auteurs, les livres, les lecteurs et déterminent les réactions particulières des uns sur les autres. Une branche spéciale a été constituée récemment par Nicolas