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vation : le dernier pas, qui donnerait à l’idée nouvelle son achèvement parfait et la mettrait en opposition complète avec les idées anciennes est généralement oublié, inaperçu ou négligé, par le réformateur. Il semble que l’effort nécessaire pour élaborer une idée nouvelle soit si grand que le novateur n’ait plus assez de force pour aplanir les dernières difficultés et régler les points accessoires ; il laisse subsister des vestiges de l’ancienne théorie contre laquelle il lutte, et, plus tard, on ne peut pas comprendre comment il les a pu conserver.

Il faut regarder cette intrusion atavique des substances impondérables dans le tableau de Lavoisier comme un vestige de la théorie purement qualitative des éléments que ce grand réformateur a renversée. Leur existence théorique s’est prolongée jusqu’au xixe siècle : on les trouve dans les premières éditions du traité de chimie de Gmelin ; Berzélius, qui ne pouvait les faire entrer dans son système des poids atomiques, les a écartés sans rien dire, et définitivement, parce qu’ils n’avaient pas de poids atomique ni de poids équivalent. Mais, par là, nous touchons à toute une série d’idées dont nous ne nous occuperons que plus tard.

D’ailleurs, Lavoisier a introduit le concept de l’élément chimique qui, depuis, a régné sans modifications pendant plus d’un siècle. Au point de vue purement expérimental, un élément est une