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de Mayer, de donner à l’Énergie une réalité ou objectivité qui la rende digne, malgré son impondérabilité, de l’honorable voisinage de l’antique Matière. En second lieu, il a fallu soumettre à un examen plus attentif cette assertion, émise par Mayer sans preuve bien nette, que la Matière et l’Énergie sont séparées par une cloison étanche. Comme nous l’avions laissé prévoir, le résultat renverse complètement l’ordre des termes du rapport. L’Énergie s’affirme de plus en plus comme une réalité, tandis que les droits de la Matière s’éteignent, et qu’elle ne conserve plus que ceux que lui confère la tradition. Non seulement, elle doit supporter le voisinage de l’Énergie, comme on le voit déjà dans les traités modernes de sciences naturelles écrits dans un esprit de progrès, mais il lui faut céder la place sans conditions et rentrer comme une reine déchue dans son douaire, où elle s’éteindra au milieu des courtisans de la vieillesse.

Nous observons chez Mayer un phénomène qui, malgré sa bizarrerie, est un trait général de la psychologie du novateur : le novateur ne va jamais jusqu’au bout du chemin qu’il a découvert et rendu praticable. Il subsiste toujours dans son œuvre un reste de ces conceptions fausses ou inutiles qu’il a entrepris d’éliminer. Malgré sa découverte de l’importance de la notion quantitative de poids dans l’étude générale des phénomènes chimiques, en particulier pour la définition des éléments,