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Toutes ces circonstances peuvent expliquer que Liebig prit parti contre le nouveau concept de catalyse, et, malgré les avertissements de Berzélius, fit exactement le contraire de ce que celui-ci avait indiqué avec sa mûre connaissance des lois, que suit le développement de la science. Liebig rejeta le nom introduit, parce que, comme Berzélius l’avait voulu, il ne contenait ou ne promettait aucune explication des phénomènes, et, de son côté, proposa une explication capable au plus haut point d’entraver les recherches ultérieures : c’était précisément ce que Berzélius avait redouté. Liebig émit l’hypothèse inféconde des chocs moléculaires.

Liebig exprima l’idée que, dans les phénomènes catalytiques, il y a simplement passage de mouvement du corps catalyseur au corps catalysé. Il venait d’avoir une discussion avec Pasteur à propos de la levure de bière. Tandis que Pasteur soutenait la nature organisée de la levure, et voyait dans la transformation du sucre en alcool et acide carbonique un résultat immédiat de l’activité vitale des cellules de la levure, Liebig considérait la reproduction par bourgeonnement de la levure comme un accessoire, au même titre, disait-il, que les plantes qui croissent sur un tronc d’arbre pourri sont étrangères à cette pourriture ; et il expliquait l’action de la levure, rangée par Berzélius dans les actions catalytiques, comme un choc mécanique