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irrésistiblement les expériences. On apprenait à connaître de plus en plus les groupes de corps apparentés qui se tirent d’un corps donné ou peuvent reproduire ce corps par transformation, et on reconnaissait en eux des familles naturelles. On comprenait ainsi qu’on ne peut pas communiquer à un corps donné des propriétés quelconques, mais que celles qu’on peut lui communiquer dépendent absolument du corps d’où l’on part ; on ne pouvait plus considérer les propriétés comme des éléments ou principes, dont la réunion forme les corps, mais il fallait chercher dans les corps eux-mêmes ces éléments ou principes d’où dépend la constitution des produits.

C’est ainsi que le concept d’élément évolua de plus en plus de la propriété abstraite vers la matière concrète. On dit généralement que dans un ouvrage qui fut très lu et qui eut beaucoup d’influence, Chymista scepticus, Robert Boyle (1627-1691) a exprimé et mis en valeur le principe suivant : il ne faut pas regarder les éléments comme des propriétés, mais comme des corps, et les éléments sont les corps que l’on ne peut décomposer, et qui, par leurs combinaisons, donnent les autres corps. Pourtant, comme on l’a reconnu plus récemment, la même idée avait déjà été exprimée un quart de siècle auparavant par Jungius, recteur de Hambourg, dont l’influence sur ses confrères et sur la pensée de son temps, était restée beaucoup moindre.