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Les Soirées de Dikaneka valurent à Gogol l’amitié du grand poète Pouchkine et celle du poète Joukovsky, éducateur du prince impérial, plus tard Alexandre II. « Je viens de lire les Soirées de Dikaneka, elles m’ont émerveillé. Quelle franche gaîté, sans effort, sans exagération ! quelle poésie, quelle vraie sensibilité ! Cela est si extraordinaire dans notre littérature contemporaine que j’en suis tout confondu ! On me raconte que pendant l’impression, les compositeurs avaient peine à ne pas rire aux éclats. Molière lui-même aurait été flatté d’apprendre que ses œuvres déridaient les typographes. Je félicite le public et je souhaite bonne chance à l’auteur[1]. »

Grâce à Pouchkine et à Joukovsky, Gogol obtint la chaire d’histoire russe et d’histoire universelle à l’Université de Saint-Pétersbourg, pour laquelle il n’était pas préparé. Il ne connaissait pas l’histoire russe, il ignorait l’histoire universelle, il n’avait jamais étudié les langues étrangères. « Dieu sait si je n’aurais pas mieux fait de prendre une chaire de botanique ou de pathologie que d’histoire russe », écrit-il à un de ses amis.

Il se met cependant au travail avec beaucoup d’enthousiasme. Il commence par étudier l’histoire de son pays natal, — l’Ukraine. « Je viens de me remettre à l’histoire de notre Ukraine. Je ne sais rien de plus calmant que l’histoire ; mes pensées commencent à couler avec plus de douceur et d’harmonie. »

Parfois, cependant, l’histoire lui suggère des réflexions amères : « Dans les chroniques générales de l’humanité, il y a des siècles entiers qu’on voudrait biffer et faire disparaître comme inutiles. Oui, là aussi, sur la plus grande échelle du monde, il s’est fait des bévues dont il semble qu’un jeune enfant même serait incapable. Que

  1. Pouchkine.