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ne l’aimaient pas et lui faisaient subir toutes sortes de moqueries. « Votre fils est paresseux, écrivait Orlay, le directeur du collège, au père de Gogol, mais quand il le veut, il est parfaitement capable de ne pas rester en arrière des autres. » Seulement, Gogol préférait écrire des poésies satiriques. Une des pièces écrites au collège est intitulée : Les sots ne connaissent pas de lois. Gogol se mit aussi à éditer, pour ses camarades, un journal en manuscrit : Zvezda (l’Étoile) et à organiser des spectacles. On le voit, à cette époque, observateur minutieux de tout ce qui l’entoure, ne laissant rien passer sans le noter dans son esprit. Il saisit le détail et le dessine avec une vérité surprenante, mais il ne voit pas l’ensemble.

Ayant terminé ses études, il retourne auprès de sa mère, restée veuve avec quatre filles. Trop pauvre pour retenir son fils auprès d’elle, elle l’envoie, à Saint-Pétersbourg, tenter la fortune. « Pourquoi est-on si pressé de savourer son bonheur ? La seule pensée de la capitale me tourmente jour et nuit, mon âme s’agite comme pour s’élancer hors de son étroite prison, et mon sang bouillonne d’impatience[1]… »

Le premier essai littéraire de Gogol ne réussit pas et il se tourna du côté du théâtre. Le succès qu’il avait eu au lycée lui faisait croire qu’au théâtre, il serait tout à fait dans son élément. Il se soumit à l’examen préliminaire, dans le cabinet du prince Gagarine, alors directeur des théâtres impériaux, en présence de deux acteurs : Karatyguine et Briansky. L’épreuve fut subie médiocrement ; on lui confia cependant un rôle dans une petite pièce, mais, dès les premières répétitions, les acteurs le jugèrent incapable de se présenter devant le public. Presque en même temps il connut un autre chagrin : il tomba amoureux d’une

  1. Gogol. Correspondance. Lettre datée de 1827.