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I


Léon Nikolaïevitch appartient à une famille de haute noblesse russe, d’origine allemande, émigrée en Russie en 1353. Son père, lieutenant-colonel, après la campagne de 1812, à laquelle il prit part, se retira avec sa famille à Iasnaïa-Poliana[1] où naquit le futur romancier russe, le 28 août 1828[2]. À l’âge de trois ans, le jeune Tolstoï perdit sa mère.

Cette mort produisit sur l’enfant une impression douloureuse et ineffaçable. « Je l’examinais avec une intensité croissante et, peu à peu, je distinguais ses traits aimés. Je frissonnais d’épouvante en me persuadant que c’était elle... Pourquoi ces yeux fermés et caves ? Pourquoi cette terrible pâleur ?... » Le problème de la mort tourmentera Tolstoï à diverses époques de sa vie et jouera un rôle prépondérant dans son œuvre.

Peu de temps avant la mort de la comtesse Tolstoï, on parlait en famille de la laideur du petit Léon qui ne fut jamais beau : de petits yeux, un front bas et droit, etc. La mère s’efforçait de découvrir chez son fils quelque chose de bien ; elle disait qu’il avait des yeux intelligents, un joli sourire. À la fin, vaincue par les arguments des autres, elle avoua son tort ; mais, prenant l’enfant dans ses bras, elle lui dit : « Rappelle-toi, chéri, que personne

  1. Gouvernement de Toula.
  2. Vieux style.