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Depuis le siècle de Catherine II jusque vers 1830, la littérature russe est une imitation des lettres européennes, notamment des lettres françaises. Pendant la période de néo-classicisme, on imite Boileau, Racine, Corneille, — ou plutôt on leur emprunte. Lorsque, à la fin du xviiie siècle, les tendances classiques dans les diverses littératures de l’Europe commencent à être combattues, la répercussion du nouveau mouvement se fait sentir en Russie. L’idéalisme et le romantisme trouvent également des échos chez les écrivains moscovites. Pouchkine et Lermontov, eux aussi, subissent la suggestion de la poésie étrangère. Le père de Pouchkine possédait une grande bibliothèque composée presque exclusivement d’auteurs français. Le poète apprit la langue française comme la sienne propre. C’est à coup sûr cette circonstance qui lui a permis de vivifier la langue russe.

À partir de 1830 et notamment à partir de Gogol, les écrivains russes ne sont plus de simples imitateurs. On voit apparaître toute une pléiade de poètes, de romanciers, de dramaturges, de critiques, de philosophes[1] qui puisent en eux-mêmes et dans leur milieu immédiat les bases et les éléments de leurs œuvres. Les lettres prennent un développement considérable. Dans un pays où, malgré les formes extérieures de la civilisation, aucune liberté n’est connue, la littérature est le seul domaine où les aspirations sociales peuvent,

  1. Voir notre ouvrage, La philosophie russe contemporaine (Paris, Félix Alcan).