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eux ; mais, s’ils sont fort nombreux, avouez que cela est désagréable ? »

Raskolnikov ne trouve là rien d’inquiétant, car, en général, il naît un nombre singulièrement restreint d’hommes ayant une idée nouvelle, ou même capables de dire quoi que ce soit de nouveau. Il est évident que la répartition des naissances dans les diverses catégories et subdivisions de l’espèce humaine doit être strictement déterminée par quelque loi de la nature. Cette loi, bien entendu, nous est cachée aujourd’hui, mais Raskolnikov croit qu’elle existe et qu’elle pourra même être connue plus tard. Une énorme masse de gens n’est sur la terre que pour mettre finalement au monde, à la suite de longs et mystérieux croisements de races, un homme qui possédera quelque indépendance. On compte un génie sur plusieurs millions d’individus et des milliers de millions d’hommes passent sur la terre avant que surgisse une de ces hautes intelligences qui renouvellent la face du monde.

Dans notre ouvrage Le Bonheur et l’Intelligence, nous avons parlé de la théorie des grands hommes, et ce n’est pas le lieu d’y revenir. Rien n’est plus arbitraire que la définition et la classification des intelligences. Il est, dans tous les cas, bien certain que, malgré les progrès des sciences exactes, la loi — dont parle Raskolnikov — qui subdivise l’espèce humaine n’est pas encore connue et n’est pas près de l’être.



Les ouvrages de Dostoïevsky doivent être étudiés moins au point de vue littéraire qu’au point de vue de la psychopathologie et de l’anthropologie criminelle. Toutes les formes de névrose, d’épilepsie, d’obsession, de dégénérescence y sont présentées.