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Dostoïevsky nous laisse l’espoir d’une renaissance morale de Raskolnikov, renaissance par amour pour Sonia.


Raskolnikov est-il fou ou criminel ? Qui résoudrait cette question ? Dans tous les cas, ce n’est ni un criminel-né ni un fou-né, mais plutôt ce que Lombroso appelle un criminel d’occasion. Soit folie ou crime, soit folie et crime, la cause en est surtout sociale. Elle est due en partie aux mauvaises conditions matérielles dans lesquelles Raskolnikov avait vécu pendant plusieurs mois ; elle est le produit complexe d’influences multiples, soit physiques, soit psychologiques, telles que : préoccupations, soucis, craintes, inquiétudes, rêveries, c’est-à-dire elle provient avant tout de l’injustice sociale.

Raskolnikov était bon. À l’Université, il avait, pendant six mois, partagé ses maigres ressources avec un camarade pauvre et malade de la poitrine qui mourut, laissant dans le dénûment un père infirme dont il était, depuis l’âge de treize ans, l’unique soutien ; Raskolnikov avait fait entrer le vieillard dans une maison de santé, et plus tard, il avait pourvu aux frais de son enterrement. Il avait aussi, un incendie s’étant déclaré une nuit, sauvé des flammes au péril de sa propre vie deux petits enfants ; il s’était même grièvement brûlé en accomplissant cet acte de courage.

Son crime fut le résultat d’un entraînement fatal individuel, mais aussi le résultat d’un ordre général défectueux.

L’âme étouffe dans les chambres basses et étroites… Raskolnikov était seul… Il passait des journées entières à songer… Il avait reconnu que pour attendre le moment où tout le monde sera intelligent, où la solidarité existera, il fallait s’armer d’une bien longue patience. Il s’était même con-