Page:Ossip-Lourié - La Psychologie des romanciers russes du XIXe siècle.djvu/166

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


Laissons partir Fiodor Michaïlovitch en Sibérie — nous l’y rejoindrons bientôt — et examinons de plus près l’affaire Pétrachevsky.



Dans son Roman russe, M. de Vogué, — il y a de cela vingt-ans — constate que « l’histoire de la conspiration de Pétrachevsky est encore mal connue, comme toute l’histoire de ce temps ». Nous la connaissons maintenant. L’ancienne troisième section vient d’ouvrir, momentanément, ses archives qu’enveloppait, depuis un demi-siècle, un mystère absolu. C’est moins d’ailleurs l’affaire Pétrachevsky qui nous préoccupe en ce moment que l’opinion de Dostoïevsky sur elle et surtout la part qu’il y a prise.

Comme aujourd’hui, ne pouvant penser tout haut, on pensait, à cette époque, tout bas en Russie. On se réunissait secrètement pour discuter, pour parler politique. Ce que rêvaient les amis de Pétrachevsky, ce qu’ils voulaient surtout réaliser, c’était l’émancipation des paysans par l’initiative du gouvernement, si c’était possible, par d’autres moyens si le gouvernement résistait.

Laissons la parole à Dostoïevsky lui-même. Quelque temps après son arrestation il présenta, sur la demande des autorités, une sorte de confession historique intitulée Ma défense[1].

« Je n’ai jamais été en relations intimes avec Pétrachevsky, déclare-t-il, bien que je le fréquentasse et que, lui, à son tour, vînt me voir. C’était pour moi une simple connaissance, car ni nos caractères ni nos opinions ne s’accordaient. Je ne le voyais pas souvent, il m’est arrivé de ne pas le voir pendant six mois entiers. Nous ne nous

  1. 20 juin 1849. Voir Birjevia Viédornosty, 8, 9, 10 août 1898.