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à faire une promenade en voiture, au mois de mai : « Non, je ne me sens pas bien, répond Oblomov : je crains l’humidité, il ne fait pas encore assez sec. Venez plutôt dîner, nous pourrons causer. »

Depuis long-temps, Oblomov doit déménager, mais il n’y arrive pas, il craint d’être mal à l’aise dans un nouvel appartement. « Que de temps il faut pour s’y habituer ! Il me serait impossible de dormir à une nouvelle place. Je serais accablé de tristesse si, en me levant, j’apercevais là une autre enseigne que celle de l’ébéniste. »

Mais que fait-il, Oblomov ? Est-ce qu’il lit, écrit ou étudie ? Quand un livre, un journal lui tombe sous la main, il le lit. S’il entend parler d’un ouvrage quelconque, il se le procure, il commence à le lire, mais au bout de quelques pages, il est déjà couché, regarde le plafond, et le livre est vite oublié.

L’intelligence et la volonté d’Oblomov sont depuis longtemps paralysées et sans retour. Les événements de la vie se sont amoindris jusqu’à prendre des proportions microscopiques et ces événements mêmes, il ne peut les dominer. Il ressent souvent une vive amertume de la secrète confession qu’il se fait à lui-même. Les regrets et les remords de sa conscience l’enserrent comme des épines et il réunit toutes ses forces pour jeter à bas le fardeau de ses reproches, trouver un autre coupable, mais qui ? « C’est Zacharie ! » Ce n’est pas lui qui est coupable de sa défaite morale et intellectuelle, c’est Zacharie ! Oblomov est gouverné par son valet de chambre, un Scapin russe.

La rencontre du paresseux avec une charmante jeune fille fait supposer un moment qu’il va s’éveiller. Oblomov croit aimer Olga, mais l’idée de mariage, de vie pratique le fait reculer. Il est incapable de faire le bonheur d’Olga et le sien propre. Il se replonge dans sa paresse, s’enfonce dans son apathie.