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CARRIC-THURA

tint son glaive levé. Des pleurs étaient dans les yeux du roi, lorsque se penchant vers Frothal, il lui dit : « Roi des torrents de Sora, ne crains pas l’épée de Fingal. Elle ne fut jamais teinte du sang du vaincu ; elle n’a jamais percé un ennemi renversé. Que ton peuple se réjouisse aux bords de ses torrents. Que les vierges de ton amour soient heureuses. Pourquoi tomberais-tu dans ta jeunesse, roi des torrents de Sora ? Frothal entendit les paroles de Fingal et vit se lever la jeune fille : ils se tenaient en silence dans leur beauté comme deux jeunes arbres de la plaine, quand l’ondée du printemps est sur leurs feuilles et que les vents bruyants se taisent.

« Fille d’Herman, dit Frothal, viens-tu des torrents de Tora, viens-tu dans ta beauté, pour voir succomber ton guerrier ? Mais il est tombé devant le puissant, jeune fille aux yeux lents et doux ! Le faible n’a jamais terrassé le fils du royal Annir ! Terrible es-tu, ô roi de Morven, au combat de la lance ! Mais dans la paix, tu es comme le soleil, quand il regarde à travers une pluie silencieuse : les fleurs lèvent leur tête devant lui et les brises agitent leurs frémissantes ailes ! Oh ! que n’es-tu dans Sora ! Le festin serait étalé, les rois futurs de Sora verraient tes armes dans mon palais, et se réjouiraient. Ils se rejouiraient de la gloire de leurs pères qui virent le puissant Fingal !

Fils d’Annir, répliqua le roi, la renommée de la race de Sora sera entendue ! Quand les chefs sont forts dans la guère, alors le chant s’élève ! mais si leurs épées ont frappé le faible, si son sang a souillé leurs armes, le barde les oublie et leiu’s tombes ne sont point connues. L’étranger y viendra bâtir ; il écartera la terre amoncelée. Une épée à moitié usée frappera sa vue ; se penchant vers elle, il dira : « Ce sont les armes des chefs des temps passés ; mais leurs noms ne sont point dans