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CARRIC-THURA

fuite : la lance du roi poursuit leurs pas. La plaine est couverte de héros : une colline élevée protége l’ennemi.

Frothal vit leur fuite. La rage s’allume dans son sein ; il baisse les yeux vers la terre et appelle le noble Thubar. « Thubar, mon peuple a fui et ma gloire ne doit plus grandir. Je combattrai le roi ; je sens brûler mon âme ! Envoie un barde demander le combat. Ne réplique point aux paroles de Frothal ! Mais, Thubar, j’aime une jeune fille ; elle demeure près du torrent de Thano. C’est Utha aux doux yeux, la blanche fille d’Herman. Elle redoutait Comala qui n’est plus ; elle soupira en secret quand je déployai mes voiles. Dis à Utha des harpes que mon âme se plaisait en elle.

Résolu à combattre, telles furent ses paroles. Le doux soupir d’Utha était auprès de lui ! Elle avait suivi son héros sous l’armure d’un homme. Sous son casque ses yeux se promenaient en secret sur le jeune guerrier. Elle vit partir le barde et la lance tomba trois fois de sa main ! Ses cheveux détachés flottaient sur le vent. Son sein se gonfla de soupirs ; elle leva les yeux vers le roi ; elle voulut parler, mais trois fois expira sa voix.

Fingal entend les paroles du barde, il s’avance dans la force de ses armes. Ils croisent leurs lances mortelles, ils lèvent l’éclat de leurs armes. Mais l’épée de Fingal descend et coupe en deux le bouclier de Frothal. Son beau flanc est exposé ; à demi penché il prévoit sa mort. Les ténèbres s’amassent sur l’âme d’Utha ; des larmes roulent sur sa joue. Elle s’élance pour couvrir le chef de son bouclier ; mais un chêne abattu rencontre ses pas ; elle tombe sur son bras de neige ; son bouclier, son casque roulent loin d’elle ; son sein blanc s’enfle à la vue et sa noire chevelure est étendue sur la terre.

Fingal eut pitié de la vierge aux bras blancs ; il re-