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CARRIC-THURA.

pierre de mon pouvoir. Son armée est autour de Carric-thura ; et il triomphera ! Fuis vers ton pays, fils de Comhal, ou éprouve mon courroux consumant.

Il lève sa lance de vapeur et penche en avant sa formidable stature. Fingal, s’avançant, tire son épée, la lame du brun Luno. Le passage étincelant de l’acier serpente à travers le fantôme ténébreux : l’ombre tombe sans forme dans l’air, comme une colonne de fumée que le bâton d’un enfant a troublée, au moment où elle montait d’une fournaise à moitié éteinte.

L’esprit de Loda pousse un cri perçant, et, roulé sur lui-même ; il s’élève sur le vent. À ce cri Inistore trembla ; les vagues l’entendirent sur l’abîme, et, dans leur course, s’arrêtèrent épouvantées. Les compagnons de Fingal tressaillent tous à la fois et saisissent leurs lourdes lances. Ils n’aperçoivent plus le roi : furieux ils se lèvent ; toutes les armes retentissent !

La lune sortit de l’Orient. Fingal revint dans l’éclat de ses armes. La joie de ses jeunes guerriers fut grande ; leurs âmes s’appaisèrent comme la mer après la tempête. Ullin entonna le chant de la joie ; les collines d’Inistore se réjouirent : la flamme du chêne s’éleva et l’histoire des héros fut racontée.

Mais, sous un arbre, Frothal, le roi couroucé de Sora, était assis dans la tristesse. Son armée s’étendait autour de Carric-thura ; il tournait avec rage ses yeux vers les murailles. Il est altéré du sang de Cathulla qui jadis le vainquit dans un combat. Quand Annir régnait dans Sora, Annir, père de Frothal le roi des flots, une tempête s’éleva sur la mer et porta Frothal à Inistore. Trois jours il fut fêté dans les salles de Sarno ; il y vit les yeux lents et doux de Comala, il l’aima avec la passion de la jeunesse et voulut enlever la jeune fille aux bras