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CARRIC-THURA.

jour sera muet alentour, viens, Vinvela, converser avec moi, viens sur la brise aux ailes légères, viens sur la brise du désert ! Fais-moi entendre ta voix en passant, quand le milieu du jour sera muet alentour !

Tel était le chant de Cronnan pendant la nuit des réjouissances de Selma. Mais le matin se lève à l’Orient et les vagues bleues roulent dans la lumière. Fingal ordonne de lever les voiles ; les vents descendent en frémissant de leurs collines. Inistore se lève devant nous, ainsi que les tours moussues de Carric-thura. Mais le signe de la détresse était sur leur faîte : la flamme des signaux bordée de fumée. Le roi de Morven se frappa le sein et saisit aussitôt sa lance. Son front assombri se penche vers la côte ; il se tourne vers les vents tardifs. Sa chevelure est en désordre sur ses épaules. Le silence du roi est terrible.

La nuit descendit sur la mer ; la baie de Rotha reçut le navire de Fingal. Un rocher se penche le long de la côte avec tous ses bois pleins d’échos. Sur le sommet est le cercle de Loda, la pierre moussue du pouvoir. Au-dessous s’étend une plaine étroite couverte d’herbe et d’arbres vieillis que les vents de minuit, dans leur courroux, ont arrachés du rocher sourcilleux. Là se trouve la course bleue d’un torrent, et le vent solitaire de l’océan poursuit la barbe du chardon. La flamme de trois chênes s’élève : le festin est étalé, mais l’âme du roi est triste de la détresse du chef de Carric-thura.

La lune livide et froide monta à l’orient. Le sommeil descendit sur les jeunes guerriers. Leurs casques bleus brillent à sa lueur ; le feu mourant s’éteint. Mais le sommeil ne se posa point sur le roi : il se lève dans ses armes et monte lentement la colline pour voir la flamme sur les tours de Sarno.

La flamme était obscure et distante ; la lune ca-