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CHANT PREMIER.

milieu des ennemis, ô fille de Torcul-torno ! » Il me saisit la main, leva la voile et me plaça dans cette sombre caverne. Il y vient quelquefois, comme un brouillard épais ; il lève devant moi le bouclier de mon père ; mais souvent, à quelque distance de ma caverne, passe un rayon de jeunesse : le fils de Starno se meut devant mes yeux… Seul, il demeure dans mon âme ! »

« Vierge de Lulan, dit Fingal, fille aux blanches mains de la tristesse ! un nuage de feu roule sur ton âme. Ne regarde point cette lune vêtue de noir ; ne regarde point ces météores du ciel. Mon glaive étincelant est près de toi, mon glaive, la terreur de tes ennemis ! Ce n’est point l’acier du faible, ni de ceux qui sont noirs dans l’âme ! Nos vierges ne sont point enfermées dans les cavernes de nos torrents. Délaissées, elles n’agitent point leurs bras blancs dans l’air. Belles dans leurs chevelures, elles s’inclinent sur les harpes de Selma. Leur voix ne se perd point dans les déserts sauvages, mais nos âmes se fondent à la douceur de leurs chants ! »

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Fingal s’avança bien loin, à travers la nuit, jusqu’à l’endroit où les arbres de Loda s’ébranlent sous les vents impétueux. On y voit trois pierres avec leurs têtes de mousse, un torrent à la course écumante ; et lugubre, roule alentour le sombre et rouge nuage de Loda. Debout sur le sommet de ce nuage se montre un fantôme à moitié formé d’ombre et de fumée. Il jette sa voix par intervalles au milieu du rugissement des eaux. Près de là, inclinés sous un arbre flétri, deux héros recevaient ses paroles : Swaran des lacs et Starno l’ennemi des étrangers. Sur leurs boucliers brunis ils s’appuyaient sombrement : leurs lances sont devant eux, à travers la nuit ; et le vent des ténèbres siffle à sons aigus dans la barbe flottante de Starno.